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— Merci, Arkacha, lui répondit son père d’une voix sourde, et en se frottant de nouveau le front et les sourcils ; tes suppositions sont fondées. Il est certain que si cette jeune fille ne valait pas… Ce n’est point un simple caprice… En effet, j’éprouve quelque embarras à te parler de tout cela ; mais tu dois comprendre qu’il ne lui était guère possible de se présenter ici, devant toi, surtout le premier jour de ton arrivée.

— S’il en est ainsi, je vais aller moi-même la chercher, s’écria Arcade dans un nouvel accès de générosité ; et il sauta de sa chaise. — Je lui expliquerai qu’elle n’a pas à rougir devant moi.

— Arcade, s’écria son père en se levant aussi, fais-moi le plaisir,… c’est impossible… Il y a là bas,… je ne t’en ai pas encore prévenu…

Mais son fils ne l’entendait déjà plus ; il quitta la terrasse en courant. Kirsanof le suivit des yeux, et retomba tout troublé sur sa chaise. Son cœur battait avec force !… Avait-il conscience des rapports étranges qui allaient nécessairement s’établir entre son fils et lui ; pensait-il qu’Arcade eût agi plus respectueusement à son égard en évitant toute allusion à cette affaire, ou se reprochait-il sa faiblesse ; c’est ce qu’il serait difficile de décider. Tous ces sentiments s’agitaient dans son sein confusément, à l’état de sensations ; la rougeur qui avait couvert son front ne s’était point dissipée, et son cœur battait toujours violemment.

Des pas précipités se firent entendre, et Arcade reparut sur la terrasse.