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— Non, papa, je ne m’y suis point préparé.

— Tu es toujours mieux préparé que moi ! Enfin, mon cher frère, permets-moi tout simplement de t’embrasser et de te souhaiter tout le bonheur possible. Reviens ici le plus tôt que tu pourras.

Paul Pétrovitch embrassa tout le monde, sans en excepter, bien entendu, Mitia ; il baisa en outre la main de Fénitchka, et celle-ci la lui tendit assez gauchement ; puis, ayant bu un second verre de champagne qu’on venait de lui verser, il s’écria avec un profond soupir :

— Soyez heureux, mes amis ! Farewell !

Ce petit mot d’anglais passa inaperçu ; tous les convives étaient trop émus.

— À la mémoire de Bazarof, dit Katia à l’oreille de son mari, et elle trinqua avec lui. Arkade serra la main de Katia, mais il n’osa point proposer ce toast.

Tout est fini ce me semble. Mais quelques-uns de nos lecteurs souhaiteront peut-être de savoir ce que font à cette heure les divers personnages dont nous venons de parler. Nous ne demandons pas mieux que de les satisfaire.

Anna Serghéïevna s’est mariée tout récemment ; elle a fait un mariage de raison. Celui qu’elle a pris pour mari est un de nos futurs hommes d’action, légiste intelligent, doué d’un sens pratique très-développé, d’une volonté ferme et d’une grande facilité d’élocution ; d’ailleurs, encore assez jeune, bon et d’une froideur glaciale. Ils font très-bon ménage et finiront