— Tu me dis adieu pour toujours, Eugène ? lui demanda tristement Arcade. — Et c’est là tout ce que tu trouves à me dire ?
Bazarof se gratta la nuque.
— Je pourrais ajouter quelque chose de senti, Arcade, mais je ne le ferai pas. Cela serait faire du romantisme, sucer des bonbons. Voici un dernier conseil : marie-toi au plus vite ; dispose bien ton nid et fais beaucoup d’enfants ! Ce seront certainement des gens d’esprit, parce qu’ils viendront à temps, non pas comme toi et moi. Eh ! je vois que les chevaux sont prêts… En route ! J’ai dit adieu à tout le monde… Allons ! nous embrasserons-nous ?
Arcade se jeta au cou de son ancien maître et ami, et un flot de larmes inonda ses joues.
— Voilà bien la jeunesse ! dit tranquillement Bazarof ; mais je compte sur Katérina Serghéïevna ! Elle te consolera en moins de rien.
— Adieu, frère ! dit-il à Arcade lorsqu’il était déjà grimpé dans la téléga, et lui montrant deux corbeaux assis côte à côte sur le toit de l’écurie, il ajouta : Voilà un bon exemple ! ne manque pas de le suivre.
— Que veux-tu dire ? lui demanda Arcade.
— Comment ! je te croyais plus fort que cela en histoire naturelle. Ne sais-tu pas que le corbeau est le plus respectable des oiseaux ? il aime la vie de famille. Prends-le pour modèle ! Adieu, signor !
La téléga s’ébranla et partit.
Bazarof avait dit vrai. Arcade, en causant ce même