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— Non, je vous remercie. Je vous demanderai seulement d’y faire porter cette espèce de valise, et cette loque, ajouta-t-il en ôtant son caban.

— Fort bien ! Prokofitch, prends donc l’habit de monsieur. Le vieux serviteur prit la loque d’un air ébahi, l’éleva au-dessus de sa tête et s’éloigna sur la pointe des pieds. — Et toi, Arcade, veux-tu aller dans ta chambre ?

— Oui, je voudrais me nettoyer un peu, répondit Arcade ; et il se dirigeait déjà vers la porte lorsqu’un homme d’une taille moyenne, portant un swit anglais d’une couleur sombre, une cravate basse à la dernière mode et des bottines vernies, entra dans le salon. C’était Paul Petrovitch Kirsanof. Il paraissait avoir quarante-cinq ans environ ; ses cheveux gris coupés très-court avait le reflet foncé de l’argent lorsqu’il est encore neuf ; les traits de son visage au teint bilieux, mais net et sans rides, étaient d’une grande régularité, et dessinés avec une délicatesse extrême. On reconnaissait bientôt qu’il avait dû être très-beau ; ses yeux noirs, limpides et allongés, étaient surtout remarquables. L’élégant extérieur de Paul Pétrovitch conservait encore l’harmonie de la jeunesse, et ce je ne sais quoi d’élancé, (qui semble vouloir quitter la terre,) et qui disparaît ordinairement avec la vingtième année.

Paul sortit de la poche de son pantalon sa belle main aux ongles roses et longs, une main dont la beauté était encore relevée par des manchettes d’une blancheur de neige, arrêtées au poignet par de grosses