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Bazarof s’inclina sans rien dire.

Une heure après, Paul était couché dans son lit et des bandages faits de main de maître entouraient sa jambe. Toute la maison était en l’air ; Fenitchka s’était trouvée mal. Kirsanof se tordait les mains en silence, et Paul riait, plaisantait, surtout avec Bazarof. Il avait mis une chemise de baptiste, une élégante veste du matin et un fez ; il exigeait qu’on ne baissât point les stores, et se plaignait comiquement du régime auquel il se voyait condamné.

Cependant un peu de fièvre se déclara dans la soirée, et il fut pris d’un mal de tête. Un médecin arriva de la ville. Kirsanof n’avait pas eu égard à la recommandation de son frère, et Bazarof lui-même avait exigé qu’on fît appeler un confrère. Jusqu’au moment de son arrivée, il s’était tenu presque constamment dans sa chambre, la mine irritée, le teint jaune, se bornant à faire de courtes visites au blessé. Il rencontra deux ou trois fois Fenitchka, qui s’éloigna de lui avec une sorte d’effroi. Le nouveau docteur prescrivit des boissons rafraîchissantes, et confirma l’opinion de Bazarof sur le peu de gravité de la blessure. Kirsanof lui dit que son frère s’était blessé lui-même, par imprudence, à quoi le docteur répondit : « Hem ? » mais ayant senti en ce moment un billet de vingt-cinq roubles glisser dans sa main, il ajouta : « Vraiment ! c’est un cas qui se présente assez souvent. » Personne ne se coucha, ni ne ferma l’œil, dans toute la maison. Kirsanof rentrait à chaque instant sur la pointe du pied