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Fenitchka se mit à rire de nouveau et frappa même des mains, tant la demande de Bazarof lui parut singulière. Elle se sentait très-flattée en même temps. Bazarof la regardait fixement.

— Volontiers ! volontiers ! dit-elle enfin ; et, se penchant sur le banc, elle se mit à choisir une rose. Est-ce une rouge ou une blanche que vous voulez ?

— Une rouge, et pas trop grande.

Fenitchka se redressa.

— Tenez, lui dit-elle, mais elle retira aussitôt la main qu’elle venait de tendre, se mordit les lèvres, jeta les yeux du côté de l’entrée du bosquet, et prêta l’oreille.

— Qu’avez-vous ? demanda Bazarof ; est-ce Nicolas Petrovitch ?

— Non ; il est dans les champs… et d’ailleurs je ne le crains pas. Mais Paul Petrovitch… ; je croyais…

— Comment ? Pourquoi craignez-vous Paul Petrovitch ?

— Il me fait peur. Ce n’est pas qu’il me parle, non ; mais il me regarde d’un air si singulier ! Au reste, vous ne l’aimez pas non plus. Je me rappelle que dans le temps vous vous disputiez toujours avec lui. Je ne savais pas de quoi il s’agissait, mais je comprenais que vous le retourniez joliment… comme ça… comme ça.

Fenitchka montra avec les mains comment, suivant elle, Bazarof retournait Paul Petrovitch.

Bazarof sourit.

— Et s’il avait eu l’air de l’emporter sur moi, lui dit-il, vous auriez pris ma défense ?