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rurent exprimer une menace si réelle, qu’il en éprouva un sentiment de crainte involontaire…

— Ah ! je vous trouve enfin, s’écria en ce moment Vassili Ivanovitch, qui parut devant les jeunes gens, en veste de toile blanche tissée à la maison, et coiffé d’un chapeau de paille de la même fabrique.

— Je vous ai cherchés, cherchés… mais vous avez choisi une place admirable, et vous vous livrez à un bien doux passe-temps. Couché sur la « terre », « regarder le ciel »… Savez-vous que cette attitude a une signification toute particulière ?

— Je ne regarde le ciel que lorsque je veux éternuer, dit Bazarof d’un ton bourru, et s’approchant d’Arcade, il ajouta à voix basse : Je regrette qu’il nous ait empêchés.

— Allons, en voilà assez, répondit Arcade, et il lui serra furtivement la main.

— Je vous regarde, mes jeunes amis, continua Vassili Ivanovitch en hochant la tête et en appuyant ses mains jointes sur un bâton qu’il avait même artistement tordu en spirale, et dont l’extrémité supérieure était surmontée d’une tête de Turc ; je vous regarde et ne puis m’en lasser. Combien il y a en vous de force, de jeunesse, de facultés, de talents !… Castor et Pollux !

— Bon ! s’écria Bazarof, voilà qu’il se lance dans la mythologie ! On voit tout de suite qu’il a été fort en latin dans son temps. N’as-tu pas été honoré d’une médaille d’argent pour tes thèmes ?