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un étroit chemin de traverse ; chacune portait un ou deux paysans en touloups dégrafés.

— Effectivement, répondit le domestique.

— Où vont-ils donc ? Est-ce à la ville ?

— C’est probable ; ils vont au cabaret, ajouta Pierre d’un ton de mépris, et en se penchant un peu vers le cocher, comme pour le prendre à témoin. Mais le cocher ne donna pas la moindre marque d’assentiment ; c’était un homme de l’ancien régime, qui ne partageait aucune des idées du jour.

— Les paysans me donnent beaucoup de tracas cette année-ci, dit Kirsanof à son fils ; ils ne payent pas leurs redevances. Qu’y faire ?

— Es-tu plus satisfait des journaliers ?

— Oui, répondit Kirsanof entre ses dents ; mais on me les débauche ; voilà le mal. Puis, ils ne travaillent pas avec un véritable zèle, et détériorent les instruments de labour. Cependant les terres ont été ensemencées. Tout s’arrangera avec le temps. L’agriculture t’intéresse donc maintenant ?

— Vous manquez d’ombre ; voilà ce que je regrette, dit Arcade sans répondre à la dernière question de son père.

— J’ai fait placer une grande marquise au-dessus du balcon, du côté de la maison qui est exposé au nord, reprit Kirsanof, on peut maintenant dîner en plein air.

— Cela rappelle peut-être un peu trop la villa. Au reste tout cela ne fait rien. Comme l’air que l’on res-