Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— On ne vous attendait pas aujourd’hui, petit père : nous n’avons pas de viande, dit Timoféitch, qui venait d’apporter la valise de Bazarof.

— On se passera de viande ; où il n’y a rien le roi ne peut rien. Pauvreté n’est pas vice, dit-on.

— Combien ton père a-t-il de paysans ? demanda Arcade.

— Le bien n’est pas à lui, il appartient à ma mère, et je crois qu’il compte une quinzaine d’âmes au plus.

— Vingt-deux, s’il vous plaît, dit Timoféitch d’un air blessé.

Un bruit de pantoufles se fit de nouveau entendre, et Vassili Ivanovitch reparut dans le cabinet.

— Encore quelques minutes, s’écria-t-il d’un air de triomphe, et la chambre sera prête à vous recevoir. Arcade… Nikolaïtch..? c’est bien votre honorable nom, si je ne me trompe ? Et voici qui vous servira, ajouta-t-il en montrant un domestique qui venait d’entrer avec lui, jeune garçon aux cheveux coupés court, vêtu d’une tunique bleue percée aux coudes et portant des bottes qui n’étaient point à lui. — On le nomme Fedka. Montrez-vous indulgent à notre égard, je crois devoir vous en prier de nouveau, quoique mon fils me l’ait défendu. Au reste, ce garçon sait fort bien bourrer une pipe. Vous devez fumer ?

— Je fume surtout des cigares, répondit Arcade.

— Et vous faites très-sagement. Je donne aussi la préférence aux cigares, mais il est extraordinairement