reins ! Des jeunesses comme vous, les gens du tsar aiment à les fourrer dans le coffre.
— Bah ! ma commère, ne vous effrayez pas ! répondit Néjdanof. Vous savez le proverbe : « Qui se baptise champignon, doit aller au panier. »
— Oui, je sais ; mais les paniers, au jour d’aujourd’hui, sont étroits, et on n’en sort pas comme on veut.
— Avez-vous des enfants ? lui demanda Marianne pour détourner la conversation.
— J’ai un garçon qui va déjà à l’école. J’avais une fille, mais je l’ai perdue, la pauvrette, par accident : elle tomba sous une roue. Au moins, si elle était morte sur le coup ! Mais non, elle souffrit longtemps. C’est depuis ce moment que je suis devenue compatissante ; avant, j’étais dure, dure comme du bois de coudrier.
— Comment ! Et votre mari, vous ne l’aimiez donc pas ?
— Oh ! ça, c’est autre chose, c’est affaire de jeune fille. Vous, tenez, vous aimez le vôtre, n’est-ce pas ?
— Je l’aime.
— Vous l’aimez beaucoup ?
— Beaucoup.
— C’est-il bien… ? »
Tatiana regarda Néjdanof, regarda Marianne et n’acheva pas.
Pour la seconde fois Marianne détourna la conversation. Elle déclara à Tatiana qu’elle avait renoncé à fumer, ce dont celle-ci la loua fort. Puis elle recommença à parler de son costume ; elle rappela à Tatiana la promesse que celle-ci lui avait faite de lui apprendre un peu de cuisine…
« Et puis, j’ai encore quelque chose à vous demander : ne pourriez-vous pas me trouver du gros fil écru ? je veux tricoter des bas… tout simples. »
Tatiana lui promit que tout cela serait fait, desservit, et sortit de la chambre, avec sa démarche ordinaire, tranquille et assurée.
«