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la société humaine et quelques relations ; à tout dvorovi on donne sinon des gages, tout au moins quelques sous pour ses besoins. Stépouchka ne recevait rien de personne, n’était parent ni allié de personne, et personne ne semblait avoir à s’inquiéter de son existence. Cet homme n’avait pas même un passé à lui ; on ne parlait point de Stépouchka ; je crois vraiment qu’il n’avait pas été compris dans le recensement. On avait ouï dire vaguement que Stépouchka avait été en un certain temps valet de chambre de quelqu’un qu’on ne nommait pas, sans qu’on pût expliquer ni quelle était son extraction, ni comment il était tombé parmi les sujets du seigneur de Choumîkhino, ni comment il s’était procuré le veston qu’on voyait sur ses épaules depuis un temps immémorial. Où vivait-il ? de quoi ? personne ne le savait, et d’ailleurs, ces questions n’intéressaient personne.

Il y avait dans le village un vieillard centenaire du nom de Trofimitch, qui connaissait la généalogie de tous les dvorovi jusqu’à la quatrième génération ; tout ce qu’il put se rappeler, c’est que Stépouchka avait dû naître d’une femme turque, que son feu maître, le général Alexéï Romanitch, avait amenée avec lui.