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désert et l’espace incendié devint, au bout de quelque temps, un fort bon jardin potager, orné de ruines formées par les anciennes fondations. Des quelques poutres qu’on était parvenu à préserver du feu, les maraîchers se firent tant bien que mal une petite izba ; on la recouvrit de planches provenant d’un brick acheté dix ans auparavant pour construire un pavillon de style gothique. On y logea le jardinier Mitrofane, sa femme Aksinia et leurs sept enfants. Mitrofane était chargé de fournir de légumes la table de son seigneur à 150 verstes de là. À Aksinia, on confia la garde d’une vache du Tyrol, achetée très cher à Moscou, et qui malheureusement étant stérile, ne donnait pas de lait. À Aksinia fut confié aussi un canard huppé, couleur de fumier, unique volatile du « seigneur ». Aux enfants, à cause de leur extrême jeunesse, on ne demanda aucun travail.

Il m’est arrivé deux fois de passer la nuit chez ce jardinier, et parfois aussi, en passant, je lui achetais des concombres, qui, Dieu sait pourquoi, se distinguaient chez lui, même en été, par leur grosseur et par leur tégument épais et jaunâtre. C’est chez lui que je vis Stépouchka pour la première fois.

Tout homme a une position quelconque dans