Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

― C’est Petrouchka, le laquais.

J’étais hors de moi. J’ai un tel caractère !… Je n’aime pas les demi-mesures. Petrouchka, ce n’était pas sa faute. On aurait pu le punir, mais pour moi, il n’était pas coupable. Arina… eh bien… eh bien ? Que faut-il encore ajouter ?… Vous comprenez, je lui ai fait tout de suite raser la tête, je l’ai fait habiller de toile brune et je l’ai reléguée au village. Mon épouse a perdu une excellente femme de chambre, mais qu’y faire ? Je ne pouvais pourtant pas souffrir le désordre dans ma maison ! Quand un membre est gangrené, il faut l’amputer aussitôt… Eh bien, maintenant jugez vous-même… Vous connaissez ma femme, c’est… c’est… c’est un ange enfin !… Elle s’était attachée à Arina et Arina le savait et elle n’a pas eu honte !… hein ? non, dites ?… Que faut-il ajouter ? En tout cas il n’y avait plus rien à faire. Quant à moi personnellement, l’ingratitude de cette fille m’a beaucoup attristé… Dites tout ce que vous voudrez… Mais du cœur, du sentiment, n’en cherchez pas chez ces gens-là… Vous avez beau nourrir le loup, il finit toujours par retourner au bois… cela m’apprendra… mais enfin je voulais seulement vous prouver…

Et M. Zverkov, sans achever son discours, dé-