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feu, sur une seille renversée, était assise la meunière ; elle causait avec mon compagnon. Déjà à son vêtement, à sa tournure, à son langage, j’avais reconnu une dvorovi ; ce ne pouvait être une moujitchka ni une mestchanka. J’examinai plus à loisir ses traits ; elle paraissait avoir trente ans, son visage pâle et maigre conservait encore les traces d’une beauté remarquable, j’aimais surtout ses grands yeux au regard mélancolique. Ermolaï me tournait le dos, assis et occupé à jeter des broutilles dans le foyer.

― Chez la Jeltoukhina, de nouveau, grande mortalité dans le bétail, disait la meunière ; le père Ivan aussi vient de perdre deux vaches… Dieu ait pitié de nous !

― Eh bien ! et vos pourceaux ? demanda Ermolaï après un silence.

― Ils sont vivants.

― Vous ne me donnerez pas un cochon de lait ?

La meunière ne répondit pas, soupira et demanda :

― Avec qui es-tu là ?

― Avec le bârine de Kostomarovski.

Ermolaï jeta au feu quelques branches de sapin, une épaisse fumée blanche lui monta au visage.