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qui elle sera bâtonnée ? Ailleurs encore, des pomiéstchiks au front large, aux moustaches teintes, aux grands airs fiers, vêtus de vestons de camelot, une manche passée, l’autre ballante, causaient cordialement avec des marchands ventrus en chapeaux de feutre et en gants verts. Des officiers de divers régiments se pressaient aussi à la foire. Un long cuirassier allemand demandait avec flegme à un maquignon boiteux combien il voulait d’un rouan. Un hussard blanc, qui n’avait pas vingt ans, assortissait une pristiajanaïa à sa maigre haquenée. Un yamstchik, au chapeau très bas et rond entouré d’une plume de paon, cherchait une korennaïa. Les cochers tressaient la queue de leurs bêtes, mouillaient de salive leurs crinières et paraissaient donner à leurs bârines de respectueux conseils. Des gens qui venaient de conclure un marché couraient au traktir[1] ou au cabaret, selon leur condition. Et tout cela remuait, criait, grouillait, se disputait, faisait la paix, s’injuriait, riait, dans la boue jusqu’aux genoux. Je voulais faire l’acquisition d’une troïka passable pour ma voiture. J’avais trouvé deux chevaux, mais il m’était impossible d’as

  1. Auberge.