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trotteurs aux larges croupes, aux queues onduleuses, aux jambes velues, à la robe gris-pommelé, noire ou alezan. Devant eux les amateurs s’arrêtaient avec respect. Dans les rues formées par les chariots, pullulaient des groupes d’hommes de toutes conditions, maquignons en cafetan bleu, en haut bonnet, qui clignaient malicieusement de l’œil en attendant le chaland, bohémiens aux yeux de loup, à la chevelure bouclée, s’agitant comme des enragés, regardant les chevaux aux dents, leur relevant les pieds et la queue, etc. Et tous criaient, juraient, tiraient au sort, et faisaient leur manège autour d’un remonteur en casquette et en manteau militaire à collet de castor. Un fort kosak, à cheval sur un hongre maigre à cou de cerf, le vendait tel quel, c’est-à-dire sellé et bridé. Des moujiks en touloupe déchirée à l’aisselle s’efforçaient désespérément de se faire jour au travers de la foule, et montaient par dix dans une téléga attelée d’un cheval qu’il s’agissait d’essayer… Ailleurs, des gens, avec le secours d’un tzigane, discutaient un marché, topaient cent fois de suite au sujet d’une méchante rosse couverte d’une natte, tandis que la rosse clignotait tranquillement, comme s’il n’eût pas été question d’elle. Et que lui importe, en effet, par