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boubnovo, au grand étonnement d’un troupeau de porcs pataugeant dans l’ornière et plongés jusqu’aux oreilles dans une boue noirâtre. Il n’est pas amusant non plus d’être cahoté sur des ponts branlants, de descendre dans des ravins, et de passer à gué des ruisseaux marécageux. Elles sont sans charme les journées entières perdues à traverser les grandes routes envahies d’herbes, et à consulter quelque énigmatique poteau, qui porte le chiffre 22 sur un côté et 23 sur l’autre. Les œufs, le lait et le pain de seigle deviennent monotones à la fin ; mais auprès de ces petits désagréments, que de grands plaisirs !

Ce qui précède expliquera déjà comment, il y a cinq ans, je tombai, sans l’avoir voulu, à Lébédiane, un jour de foire. Nous autres chasseurs, il nous arrive de quitter le domaine paternel en nous promettant de rentrer le lendemain au soir, et, tout en marchant, tout en tuant cailles et bécasses, de nous arrêter, étonnés d’apercevoir la rive de la Petchora. On n’ignore pas, du reste, que tout chasseur est aussi grand amateur de chevaux…

J’arrivai donc, par hasard, à Lébédiane. Je descendis à l’auberge, je changeai de vêtements et me rendis à la foire. Le garçon de l’auberge,