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la foule en barytonnant agréablement : « Permettez, veuillez laisser passer le général Khvalinsky ! » ou tout simplement : « L’équipage du général Khvalinsky ! »

L’équipage, il est vrai, est d’une forme surannée, la livrée du laquais est usée (inutile de dire qu’elle était de drap gris avec passepoil rouge), les chevaux sont vieux ; mais Viatcheslav Ilarionovitch ne prétend point passer pour un lion : il est d’un rang où l’on se respecte trop pour s’amuser à jeter de la poudre aux yeux.

Khvalinsky n’est pas orateur : du moins il n’a jamais eu l’occasion de faire preuve d’éloquence, car il ne souffre ni la discussion ni la réplique et ne cause jamais, surtout avec les jeunes gens. Et n’est-ce pas ce qu’il y a de mieux ? car que faire avec la génération nouvelle ? Elle sortirait du respect et négligerait toute considération. Avec les gros bonnets Khvalinsky se tait ; aux inférieurs, il parle brusquement un langage tranchant, en débutant par des formules telles : « Allons, mon cher, vous dites des sottises… » ; ou bien : « Je me vois obligé, mon cher, de vous faire observer… » ; ou encore : « Vous devez bien savoir à qui vous parlez. » C’est la terreur des maîtres de postes et des inspecteurs de relais. Il ne reçoit jamais