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fraîche et moustachue. À l’ordinaire elle est en robe amidonnée, le dimanche elle ajoute à sa toilette des manches en mousseline.

Viatcheslav Ilarionovitch est surtout beau à voir aux dîners de cérémonie donnés par les pomiéstchiks en l’honneur des gouverneurs et des autres puissances. Là, il est tout à fait dans son assiette ; on le place, sinon à la droite du gouverneur, du moins tout près de lui. Jusqu’au premier entremets il garde le sentiment de dignité et, renversant sa tête en arrière sans la détourner d’une ligne en aucun sens, il coule un regard oblique sur les revers des têtes et les collets brodés des convives. Mais à la fin du banquet il s’égaye, sourit de tous les côtés (au commencement du repas il ne souriait que du côté du gouverneur) et parfois même s’émancipe jusqu’à proposer un toast en l’honneur « du beau sexe, l’ornement de notre planète », dit-il. Il figure très bien aussi à toutes les cérémonies publiques et solennelles, aux assemblées de la noblesse, aux expositions. Il n’a pas son pareil pour s’approcher du prêtre après l’office, au moment de la bénédiction. Aux sorties, aux passages, dans tous les lieux où l’on fait attendre les équipages, les gens de Viatcheslav Ilarionovitch ne font ni bruit ni cris ; ils écartent doucement