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— Ça ne se peut pas ! Moi aussi je suis serf, il me faudrait répondre pour toi.

— Lâche-moi… la faim, Foma Kouzmitch, la faim… lâche-moi !

— Je vous connais, vous autres…

— Lâche-moi.

— Et pourquoi discuter avec toi ! Reste tranquille, ou bien, tu sais… Ne vois-tu pas qu’il y a ici un bârine ?

Le malheureux baissa la tête.

Le Biriouk bâilla et posa son front sur la table. La pluie ne cessait pas, j’attendais.

Tout à coup, le moujik se redressa, ses yeux s’enflammèrent.

— Eh bien ! là, mange, là ! Étouffe-toi ! fit-il en fermant à demi ses yeux et en baissant le coin de ses lèvres. Assassin ! Bois le sang chrétien, bois ! (Le forestier se détourna vers lui.) C’est à toi que je parle, asiate !

— Es-tu ivre ou fou ?

— Ivre de ce que j’ai bu à ton compte, assassin ! Ivre ! fauve ! fauve !

— Ah ! mais, toi… je te…

— Eh bien, quoi ? Ça m’est égal ! Tue-moi, ce sera au moins une fin. Où irais-je sans cheval ? Assassine-moi ! c’est toujours mourir… de faim ou de coups. Que tout périsse, baba, enfants ; et