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diable ! Et on ne pouvait le corrompre : ni vin, ni argent, rien n’avait prise sur lui. On lui avait tendu des pièges où il aurait dû vingt fois se casser le cou, mais rien ne prévalait contre lui.

Voilà ce que contaient les moujiks voisins du Biriouk.

— Ah ! c’est toi qu’on appelle le Biriouk. Eh bien, frère, je te connais, tu es celui qui ne pardonne pas.

— Je fais mon devoir, répondit-il d’un air morne. Il ne faut pas manger le pain du maître sans le gagner.

Il tira de sa ceinture une hache, s’assit sur le plancher et se mit à tailler des torches.

— Tu n’as donc pas de baba ? lui demandai-je.

— Non, répondit-il, et il s’anima à l’ouvrage.

— Morte, probablement ?

— Non… oui… morte si vous voulez, ajouta-t-il et il se détourna.

Je me tus, il leva les yeux et me regarda.

— Elle s’est enfuie avec un mestchanine de passage, dit-il. Et un sourire dur plissa ses lèvres.

La petite fille baissa les yeux, l’enfant s’éveilla et se mit à crier, sa sœur se redressa pour regarder dans le berceau.

— Tiens, dit le Biriouk, donne-lui cela. Et il lui tendit un biberon sale…