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couchée, peinte en raccourci, les genoux rouges, les pieds très gros. Mon chien se hâta de se glisser, par des efforts surnaturels, sous le divan où il y avait sans doute beaucoup de poussière, car il éternua terriblement. Je regardai dans la rue. Là, du comptoir à la maison domaniale, s’étendaient obliquement des planches, précaution fort naturelle, car des deux côtés de cette planche de salut la bonne terre végétale, détrempée par les pluies, formait une boue effrayante. Autour de l’habitation qui tournait le dos à la rue se passaient les scènes ordinaires de la vie quotidienne, autour des maisons seigneuriales. Les filles dvorovi, en robe d’indienne fanée, allaient et venaient. Les valets s’élançaient, puis s’arrêtaient d’un air songeur et se grattaient le dos. Le cheval d’un dizainier jouait paresseusement de la queue en levant la tête et s’amusait à ronger la palissade. Les poules gloussaient, des dindons poitrinaires échangeaient sans cesse des appels. Sur le perron d’un petit bâtiment noirâtre et vermoulu était assis un garçon robuste qui chantait assez bien en s’accompagnant de sa guitare, la chanson qui commence ainsi :


Et je me retire au désert.
Loin, bien loin de ces lieux.