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— D’où es-tu ?

— D’Ananievo.

— Que fais-tu ?

— Quoi ?

— Que fais-tu ?

— Je garde.

— Et qu’est-ce que tu gardes ?

— Les pois.

Je ne pus m’empêcher de rire.

— Voyons ! quel âge as-tu ?

— Dieu le sait.

— Tu ne vois plus bien clair ?

— Quoi ?

— Tu vois mal, n’est-ce pas ?

— Mal, et il arrive aussi que je n’entends pas.

— Alors, quel gardien es-tu donc ?

— C’est l’affaire des supérieurs.

« Les supérieurs », pensai-je, et je regardai avec compassion le pauvre vieillard. Il tira de son sein un morceau de pain rassis et se mit à le sucer comme font les petits enfants, en aspirant avec effort ses joues déjà extrêmement creuses.

Je longeai le petit bois, puis je tournai à droite, et toujours à droite comme l’avait conseillé le vieillard et j’y gagnai enfin un grand village dont l’église en pierre était, selon le goût moderne, ornée de colonnes. Devant l’église s’é-