Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il fait de moi son esclave, batiouchka, et voilà que…

— Mais pourquoi avais-tu des arriérés ? dit M. Penotchkine d’un air mécontent. (Le vieillard baissa la tête.) Tu aimes à boire, tu cours les cabarets ! (Le vieillard allait répondre.) Je vous connais, poursuivit Arkadi Pavlitch avec emportement. Boire et dormir, voilà votre vie ! Et c’est le moujik laborieux qui paye pour vous !

— De plus, c’est un homme grossier, intervint le bourmistre.

— Eh ! cela va sans dire, c’est toujours ainsi ! Je l’ai observé plus d’une fois ! Il a fait la débauche toute l’année durant, et maintenant il se jette aux pieds du bârine !

— Batiouchka ! dit le vieillard désespéré, batiouchka ! grâce, pitié !… Grossier, moi ?… Je te dis devant Dieu, batiouchka Arkadi Pavlitch, que tout cela est au-dessus de mes forces !… Sofron Yakovlitch m’a pris en haine, pourquoi ? Que Dieu le juge ! Il m’a ruiné… Voilà mon dernier enfant… eh bien… (et dans les yeux jaunes du vieillard apparut une larme) grâce ! seigneur, défends-nous.

— Et nous ne sommes pas les seuls qu’il persécute, dit le jeune moujik.

Arkadi Pavlitch prit feu tout à coup.