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l’humeur de Yerofeï ne s’était pas adoucie. C’est qu’en effet il n’avait rien trouvé pour calmer sa faim, et qu’il n’avait pas même pu faire boire ses chevaux. Avec un mécontentement visible, même sur sa nuque, il se tenait sur sa banquette de trois quarts, désirant évidemment me parler, mais attendant mes questions, et se contentant de sermonner ses chevaux.

— Un village, murmura-t-il tout à coup, ça un village. Vous demandez du kvas, pas de kvas. Ah ! Seigneur ! Et leur eau, c’est tout simplement… pouah ! (Il cracha.)

— Ni concombre, ni kvas, ni rien… Hé, toi, ajouta-t-il en s’adressant à la pristiajnaïa de droite, je te connais, vaurien, tu fais semblant de tirer, n’est-ce pas… je te ferai… moi… (un coup de fouet) ; il a tout à fait tourné à la fourberie, tandis qu’avant, la bonne bête que c’était. Allons, allons, tourne la tête !…

— Dis-moi, je t’en prie, Yerofeï, quel homme est-ce que ce Kassian ?

Yerofeï prit avant de répondre le temps de la réflexion. C’était un homme posé, mais je pus comprendre que ma question ne lui était pas désagréable.

— Blokha, dit-il en tirant les guides, c’est un homme curieux, tout à fait un innocent. Quel