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tice… Voilà je voudrais aller ! J’ai voyagé assez ! j’ai vu Romion, Simbirsk, la belle cité, Moscou aux coupoles d’or, l’Oka, nourrice du peuple, Tsna, la colombe, et la petite mère Volga… Et j’ai vu beaucoup de bons chrétiens, beaucoup de bonnes villes ; mais j’irais volontiers là-bas et… voilà… Et je ne suis pas le seul pécheur ! Il y a beaucoup de chrétiens chaussés de laptis qui errent dans le monde à la recherche de la vérité ! Non, que gagne-t-on à rester chez soi ? Il n’y a pas de justice dans l’homme — voilà.

Kassian prononça ces derniers mots avec volubilité. Il ajouta encore d’autres paroles qui m’échappèrent. Et son visage prit une expression si étrange que je me rappelai malgré moi le mot innocent dont on le désignait. Il baissa la tête, toussa et parut revenir à lui.

— Quel beau soleil ! dit-il à demi-voix, quelle bénédiction !… comme il fait chaud !

Il remua les épaules, se tut, regarda devant lui d’un œil distrait et se mit à fredonner doucement. Je ne pus saisir toutes les paroles de sa traînante chanson. Voici ce que je me rappelle.


Mon nom est Kassian
Mon surnom Blokha.


— Eh ! pensai-je, il compose.