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— Non, pas de famille.

— Pourquoi donc, tous les tiens sont morts ?

— Non, mais je suis comme cela. Ce n’était pas ma destinée, tout est dans la main de Dieu et nous sommes tous sous sa garde. L’important, c’est d’être juste… voilà… c’est-à-dire, on doit plaire à Dieu.

— Et tu n’as aucun parent ?

— J’ai… oui… comme cela.

Le vieillard parut gêné.

— Dis-moi, je te prie… j’ai entendu mon cocher te demander pourquoi tu n’as pas guéri Martine : tu sais donc guérir ?

— Ton cocher est un homme juste, dit Kassian rêveur ; mais il n’est pas sans péché, lui non plus. On m’appelle guérisseur, mais quel guérisseur suis-je ? Qui a le pouvoir de guérir ? Tout cela est à Dieu… Il y a pourtant des fleurs salutaires. Le poivre d’eau, par exemple, est une herbe bonne à l’homme, le plantin aussi : on peut les recommander, ce sont des simples de Dieu ! Pour d’autres herbes, c’est autre chose, elles sont salutaires et pourtant, rien que d’en parler, c’est un péché, à moins qu’en priant… et il y a aussi certaines paroles… Le salut est à ceux qui croient, ajouta-t-il en baissant la voix.