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bougez pas, — vous regardez. Et l’on ne peut exprimer par des paroles combien l’on a le cœur joyeux, doux et paisible. Vous regardez : — cette sérénité profonde, pure, amène sur vos lèvres un sourire innocent comme elle. Ainsi que les images sur le ciel et avec eux passent dans votre âme en lentes théories vos heureux souvenirs et sans cesse votre regard s’étend, croyez-vous, et vous entraîne dans des abîmes de paix et de lumière et l’on ne peut renoncer à cette hauteur, à cette profondeur.

— Bârine, bârine ! dit tout à coup Kassian de sa voix sonore.

Je me soulevai avec surprise ; il avait jusqu’alors à peine répondu à mes questions et voilà qu’il parle de lui-même.

— Que veux-tu ? lui dis-je.

— Eh bien… pourquoi as-tu tué l’oiseau ? dit-il en me regardant en face.

— Comment, pourquoi ? Le râle est un gibier, cela se mange.

— Bârine, ce n’est pas pour cela que tu l’as tué. Comme si tu avais besoin de le manger ! Tu l’as tué pour ton plaisir.

— Mais toi-même, tu manges bien, j’espère ! une oie ou une poule, tu les manges.

— L’oie et la poule sont destinées à la nour-