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sonnaient des sons, des voix. Le vent clair du matin commençait à errer, à voltiger sur le sol. Mon cœur lui répondit par un frisson de joie. Je me levai vivement et rejoignis les gamins. Ils dormaient comme tués près du brasier qui fumait encore. Pavel seul se souleva et me regarda fixement.

Je le saluai de la tête et je partis pour me rendre chez moi en suivant la rivière couverte de vapeurs. Deux verstes plus loin, déjà sur la vaste prairie humide, sur les collines vertes, devant moi, jusqu’à la forêt et en arrière sur la longue route poudreuse et sur les buissons tout rouges et sur la rivière qui bleuissait timidement sous son brouillard fondant, jaillissaient les courants d’abord écarlates, puis pourpres, puis jaunes d’une lumière chaude. Tout s’agita, s’éveilla, chanta, parla. Partout étincelaient, comme des diamants, de grosses gouttes de rosée. Devant moi, au village, tintaient des sons de cloches comme baignés par la fraîcheur du matin. Et, tout à coup, le troupeau de chevaux passa devant moi avec les cinq enfants que je connaissais.

J’ai le chagrin d’ajouter que Pavel mourut dans l’année. Il ne s’est pas noyé, il est mort d’une chute de cheval. C’était un brave garçon.