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— Peut-être…, finit-il par dire.

— Eh ! Pavel, dit Fedia, chez vous à Chalamovo, a-t-on vu, comme chez nous, l’apparition céleste[1] ?

— Quand le soleil s’est éteint ? Mais comment donc !

— J’espère que vous avez eu peur, vous autres ?

— Et pas seulement nous autres. Notre bârine nous avait dit lui-même, à l’avance, qu’il y aurait une apparition et, sitôt que le ciel s’assombrit, lui-même, dit-on, a eu si peur que… Oh ! la la ! Et dans l’izba du dvorovi, la cuisinière a cassé tous les pots dans le four : « Qui mangera maintenant, disait-elle, puisque la fin du monde est venue ? » Et les chtchi[2] furent répandus. Dans le village on disait que la terre allait se couvrir de loups blancs, mes frères, et que les hommes seraient dévorés par ces loups, que l’Oiseau Rapace allait prendre son essor et qu’on verrait certainement Trichka[3] lui-même.

— Quoi, Trichka ? demanda Kostia.

— Tu ne sais pas ce que c’est que Trichka ? fit Iliouchka avec mépris. Allons, frère, d’où viens-tu donc si tu ne connais pas Trichka.

  1. L’éclipse.
  2. Soupe aux choux.
  3. Probablement l’Antéchrist