Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et quand as-tu fait ton apprentissage comme cuisinier ?

Soutchok souleva son maigre et jaune visage et sourit.

— Allons, cela s’apprend-il ? Les babas elles-mêmes font la cuisine.

— Tu as joué bien des personnages, Kouzma, pour avoir ta vie. Mais à présent de quoi t’occupes-tu, puisque tu es pêcheur sans poisson ?

— Eh je ne me plains pas, batiouchka ; je rends grâce à Dieu d’être pêcheur, comme ils disent. Ainsi il y a un vieillard comme moi, André Poupir. La bârinia l’a attaché au puisage de la fabrique de papier. « C’est péché de manger son pain sans le gagner, » disait-elle. Et pourtant il n’y a rien à faire et pourtant Poupir rêve une récompense. C’est qu’il a un neveu qui est scribe dans le comptoir de la bârinia et qui avait promis de parler de lui à la bârinia. Il a tenu parole, il a parlé, et Poupir, pour l’en remercier, a salué son neveu jusqu’à terre, sous mes yeux… Oui, j’étais là.

— Tu as une famille ? Tu es marié ?

— Non, batiouchka. Tatiana Vassilievna, Dieu lui donne le ciel, la feue bârinia, ne permettait à personne de se marier. Il lui arrivait de dire même devant le prêtre : « Dieu garde ! je suis