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dis oui. » Et j’obéissais. Un jour, j’ai représenté un aveugle. On m’avait mis sur chaque paupière un pois… ah ! mais oui, un pois…

— Et puis, qu’as-tu été ?

— Et puis j’ai été encore cuisinier.

— Pourquoi donc t’avait-on dégradé de ton emploi ?

— Mon frère s’était enfui.

— Ah !… Et chez le père de ta première bârinia, que faisais-tu ?

— J’ai tenu différents emplois : d’abord, j’ai servi de kazatchock[1], puis de postillon, puis de jardinier, puis de veneur…

— Veneur !… tu conduisais des chiens ?

— Oui, des chiens ; mais je suis tombé de cheval et nous nous sommes estropiés, la bête et moi. Le vieux bârine était très sévère. Il m’a fait rosser et j’ai été mis à Moscou en apprentissage chez un bottier.

— En apprentissage, que dis-tu là ? Tu n’étais plus un enfant !

— Eh ! j’avais bien vingt ans !

— En apprentissage à vingt ans ?

— Qu’est-ce que ça fait, puisque le maître l’avait ordonné ! Mais comme il est mort peu après, on m’a fait revenir au village.

  1. Groom.