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barboteurs à longues queues, blairiers, sarcelles, harles et autres, — pullulent dans l’aisance entre les jonchaies. Des nuées de ces oiseaux s’élèvent çà et là au-dessus de l’eau. On tire, et il y a tant à tirer que le chasseur porte involontairement sa main à sa casquette en faisant un « oh ! » prolongé.

Ermolaï et moi nous longeâmes d’abord l’étang. Nous n’ignorions pas que le prudent canard ne se tient point près de la rive : quand bien même quelque sarcelle égarée se fût exposée à notre feu, nos chiens n’auraient pu la retirer des entrelacs des joncs ; ils n’auraient pu, tout dévoués qu’ils fussent, nager ni marcher sur la vase et se seraient ensanglanté le précieux museau sur le tranchant des roseaux.

— Non, dit Ermolaï, cela ne va pas. Il faut nous procurer un bateau ; retournons à Lgov.

Nous partîmes.

Nous avions fait quelques pas, quand de derrière un aubier parut un pauvre chien couchant et derrière lui un homme de taille moyenne vêtu d’un piètre armiak bleu, d’un gilet jaune, d’un pantalon gris enfoui dans des bottes trouées, au cou un foulard écarlate, et sur l’épaule un fusil. Tandis que nos chiens, selon l’étiquette chinoise de leur cérémonial, s’abou-