Page:Tourgueneff - Récits d un chasseur, Traduction Halperine-Kaminsky, Ollendorf, 1893.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que dis-tu donc ? Tes clients sont tous des petits saints ? Et Borka Perekhodov ? L’as-tu oublié ? Qui donc l’a protégé, hein ?

— Perekhodov a souffert par sa faute, c’est vrai…

— Il a dépensé l’argent de l’État, il n’y a pas à dire !

— Pourtant, petit oncle, c’est juste, la pauvreté, la famille…

— Oui, oui, la pauvreté, la famille et l’ivrognerie… C’est un propre à rien, voilà ce qu’il est.

— Mais c’est le malheur qui l’a mené là, observa Mitia en baissant la voix.

— Le malheur !… alors tu aurais dû lui venir en aide si ton cœur est si bon, au lieu d’ivrogner avec lui au cabaret ! Mais il parle bien, n’est-ce pas ? Voyez-vous quel mérite !

— Il est bon…

— Hé ! tous sont bons avec toi… Mais qu’es-tu devenu tous ces jours-ci ?

— Je suis allé à la ville.

— Bien. Tu as joué au billard, pris le thé, gratté la guitare, respiré l’air des bureaux, composé des suppliques, et tu t’es pavané avec des fils de marchands, n’est-ce pas, hein ?

— Oui, à peu près, mon oncle, dit en souriant le beau Mitia. Ah ! j’oubliais : Anton Par-