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dans leurs propriétés, et, quant aux gentilshommes riches, ils ne sont pas reconnaissables. J’ai vu quelques-uns de ces derniers, à l’occasion du cadastre : on se sent joyeux rien qu’à les regarder. Ils sont accessibles, affables. Ce qui seulement m’a très étonné, c’est que ces nobles, au fait de toutes sciences et si beaux parleurs qu’à les entendre on a l’âme émue, ne comprennent rien au fond réel des affaires, et n’ont pas le moindre sentiment de leurs propres intérêts. Le serf, qu’ils ont pris pour intendant, les plie comme il veut, comme une douga. Vous connaissez sans doute Korolev, Alexandre Vladimirovitch ? Voilà un noble ! Beau, riche, il a étudié à l’Université, à l’étranger même, aussi parle-t-il agréablement ; mais il est modeste, et nous serre la main à nous autres. Enfin vous le connaissez ! Eh bien, écoutez. La semaine dernière nous allâmes à Bérézovka pour une assemblée, convoquée par Nikifore Iliitch, arbitre. L’arbitre dit : « Messieurs, nous allons procéder à la détermination de nos limites ; il est honteux que nous restions en retard de tous les autres, mettons-nous donc à la besogne. » On s’y mit, et les querelles commencèrent, comme on devait le prévoir. Notre chargé d’affaires fit des objections, mais Oftchinikov Porfiry se révolta le