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― Femme, disait-il de sa place d’une voix lente en se tournant un peu vers sa baba, offre donc des rafraîchissements à ces messieurs.

Il tenait pour un péché de vendre son blé, ce don de Dieu. En 1840, année de famine, il distribua toute sa réserve aux pomiéstchiks et aux moujiks des environs. L’année suivante, tous vinrent acquitter leur dette en nature.

Les voisins de Ovsianikov recouraient souvent à son arbitrage et presque toujours se soumettaient à son verdict, écoutaient ses conseils. Beaucoup, grâce à lui, ont fait leur partage définitif… Mais après quelques ennuis de la part des pomiéstchitsi[1], il déclara que désormais il ne serait plus médiateur entre des femmes. Il ne pouvait souffrir le bavardage des babas, leur hâte, leur emportement, leurs criailleries. Un jour, le feu éclate chez lui, un ouvrier se précipite comme un désespéré dans sa chambre en criant :

― Au feu ! Au feu !

― Ce n’est pas une raison pour crier ainsi, dit tranquillement Ovsianikov. Donne-moi mon bonnet et ma béquille.

Il aimait à exercer ses chevaux. Un jour, un

  1. Féminin de pomiéstchik, singulier : pomiéstchitsa.