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bliait, par exemple, jusqu’à s’asseoir à la première invitation ou jusqu’à négliger de se lever à l’apparition d’un visiteur quelconque. Mais il le faisait avec tant de dignité, avec une affabilité si majestueuse, qu’involontairement on s’inclinait plus bas que lui. Ovsianikov aimait les anciens usages, non par superstition, mais par habitude. Il évitait les voitures à ressorts, les trouvant trop douces ; il faisait ses courses en drojki ou dans une jolie petite telega matelassée, et il conduisait lui-même son bai (il ne tenait que des chevaux bais). Son cocher, garçon aux joues rouges, aux cheveux coupés en cloche, se tenait respectueusement à côté du maître dans son armiak bleu, la tête couverte d’un bonnet de mouton très bas, la taille serrée d’une lanière. Ovsianikov faisait la sieste, allait au bain le samedi ; il ne lisait que des livres de piété, ses lunettes montées en argent gravement posées sur son nez. Il se couchait et se levait de bonne heure. Cependant, il se rasait la barbe et portait les cheveux à l’allemande[1]. Il recevait ses visiteurs cordialement, mais sans les saluer jusqu’à la ceinture, sans s’agiter outre mesure, sans s’empresser de leur offrir des conserves.

  1. Pour le Russe, du moins pour le peuple russe, tout ce qui est étranger est allemand.