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faut que le tremblement de terre se produise juste à l’endroit où se trouve Lisbonne ou Verny, et que des innocents soient ensevelis sous la terre et périssent dans d’affreux tourments. Pourquoi les milliers d’autres accidents affreux, ineptes, tant de souffrances qui frappent les hommes ? Quel sens à cela ?

La réponse est que ces raisonnements sont absolument justes pour ceux qui ne reconnaissent pas la vie spirituelle. Pour eux, la vie humaine n’a réellement aucun sens. La vie de ceux qui n’admettent pas de vie spirituelle ne saurait, en effet, qu’être insensée et malheureuse. Et s’ils déduisaient tout ce qui découle inévitablement de leur conception matérielle de la vie, ils ne pourraient vivre un instant de plus. Car aucun ouvrier ne serait resté chez un patron qui, en l’engageant, aurait exigé le droit de brûler, toutes les fois qu’il en aurait envie, cet ouvrier sur un feu lent, ou bien de l’écorcher vif, de le soumettre à toutes les horreurs que le patron ferait subir à ses ouvriers, en présence de celui qu’il engage. Si les hommes comprenaient réellement la vie, comme ils le disent, c’est-à-dire uniquement comme une existence matérielle, nul parmi eux, par la seule crainte des affreux et inexplicables tortures qu’il voit autour de lui et qui peuvent l’assaillir à tout instant, ne continuerait à vivre sur la terre.

Pourtant, les hommes vivent, se plaignent, se lamentent, mais continuent à vivre. Il n’y a qu’une seule explication à celte étrange contradiction : c’est que tous les hommes savent, dans leur for intérieur, que leur vie n’est pas dans leur corps, mais dans leur âme, et que toutes les souffrances sont nécessaires, indispensables pour le bien de la vie spirituelle ; quand, ne voyant aucun sens à la vie humaine, ils se révoltent