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une vie consacrée uniquement à la satisfaction des désirs charnels. La vraie vie ne commence qu’au moment où l’homme renonce à toute bestialité.

3. Par la parabole des vignerons (MATTH., 33-42), le Christ éclaircit l’erreur des gens qui prennent l’apparence de la vie—leur vie charnelle—pour la vraie vie.

A force d’habiter le jardin cultivé de leur maître, des gens se crurent propriétaires du jardin. Et de cette conception erronée il résulte une série d’actes insensés et cruels accomplis par ces gens qui, finalement, sont chassés du jardin, exclus de la vie. De même, nous nous sommes imaginés que la vie de chacun de nous est notre vie personnelle, que nous y avons droit et pouvons en jouir à notre gré, n’ayant aucune obligation envers personne. Aussi, commettons-nous inévitablement la même série d’actes cruels et insensés et sommes de même exclus de la vie. Comme les habitants du jardin avaient oublié que le jardin leur avait été donné en état, entouré d’un fossé et d’une clôture, pourvu d’un puits, que quelqu’un avait travaillé à leur intention et attend, par suite, qu’ils fournissent également du travail, les hommes qui ne possèdent qu’une vie personnelle ont oublié, ou veulent oublier, tout ce qui a été fait pour eux avant leur naissance, ce qui se fait au cours de leur vie, et ce qu’on attend d’eux.

D’après la doctrine du Christ, de même que les vignerons, qui habitaient une vigne qu’ils n’avaient pas travaillée, doivent sentir et comprendre qu’ils ont contracté une dette constante envers leur maître, les hommes doivent sentir et comprendre que, depuis leur naissance et jusqu’à la mort, ils ont contracté une dette envers ceux qui ont vécu avant eux, qui vivent encore et qui vivront,