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3. Bénie soit l’enfance qui, au milieu des cruautés de la terre, laisse entrevoir un peu de ciel ! Les 80.000 naissances quotidiennes dont parle la statistique, constituent le débordement d’innocence et de fraîcheur, luttant non seulement contre l’extinction de l’espèce, mais encore contre la corruption humaine et contre une infection générale par le vice. Tous les bons sentiments éveillés par le berceau et l’enfance sont un des mystères de la grande Providence ; supprimez cette rosée vivifiante, et la rafale des passions égoïstes séchera, comme par le feu, la société humaine. Si l’humanité se composait d’un milliard d’êtres immortels, dont le nombre ne pourrait ni augmenter ni diminuer, où serions-nous et que serions-nous, Grand Dieu ! Nous serions incontestablement mille fois plus savants, mais aussi mille fois plus mauvais. Bénie soit l’enfance pour le bonheur qu’elle donne elle-même, pour le bien qu’elle fait sans le savoir et sans le vouloir en obligeant, en permettant de l’aimer ! Ce n’est que grâce à elle que nous apercevons une parcelle de paradis sur terre. Bénie soit également la mort ! Les anges n’ont pas besoin de naître, ni de mourir pour vivre ; mais, pour les hommes, l’un et l’autre sont nécessaires, indispensables. AMIEL.

5. Les gens riches, qui considèrent les enfants comme une entrave au plaisir, un accident malheureux ou une sorte de jouissance quand il en naît un nombre fixé à l’avance, ne les élèvent pas en vue de la mission humaine qu’ils auront à accomplir en tant qu’êtres intelligents et affectueux,