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— On pardonne une première faute, disait Olénine en plaisantant et mettant ses bottes hautes.

— Je pardonne cette fois, répondit Jérochka, mais, à la seconde, tu me délivreras un litron de vin. Dès que l’air se réchauffe, on ne trouve plus le cerf.

— Si même nous le trouvions, il est plus intelligent que nous et nous échapperait, dit Olénine, répétant les paroles du vieux dites la veille.

— Tu ris ! Non, tue-le et puis donne-m’en des nouvelles. Allons vite ! voilà le patron qui vient, dit Jérochka, regardant par la fenêtre. Voyez donc comme il s’est fait beau ! il a endossé un nouveau caftan, afin que tu saches qu’il est officier. Euh ! quel pauvre sire ! »

Vania vint annoncer que l’hôte voulait voir son maître.

« L’argeane ! » dit Vania d’un air significatif, prévenant son maître du but de la visite du khorounji, qui entra vêtu d’un uniforme neuf à galons d’officier ; ses bottes étaient cirées, chose rare chez un Cosaque. Il marchait en se dandinant et le sourire à la bouche, et souhaita la bonne fête à Olénine.

Ilia Vassilitch était un Cosaque civilisé ; il était allé en Russie ; il était maître d’école, mais, avant tout, gentilhomme ; il tenait surtout à le paraître. Mais, sous son clinquant d’emprunt, son parler affecté, ses manières dégagées et son air d’assurance, on devinait le même Cosaque que diadia Jérochka ; on le devinait à son teint hâlé, à ses mains, à son nez rouge. Olénine l’engagea à s’asseoir.

« Bonjour, père ; bonjour, Ilia Vassilitch, dit Jérochka se levant et saluant profondément et d’un air ironique, à ce qu’il parut à Olénine.

— Bonjour, diadia ! tu es déjà là ? » répondit le khorounji avec un signe de tête nonchalant.

Le khorounji était un homme de quarante ans, maigre, élancé, bien de figure et très frais pour son âge ; il avait la barbe en pointe et grisonnante. Il craignait visiblement