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ça fait trois ; puis les chevaux de l’attelage, qui coûtent certainement cinq cents roubles, ça fait quatre ; puis la remonte des collets de soldats, puis le charbon, qui se dépense en grande quantité, et enfin, la table de vos officiers. Ensuite, comme chef de batterie, vous devez vivre convenablement, il vous faut donc une calèche, une pelisse, etc.

— Et le principal, dit le capitaine, qui s’était tu jusqu’à ce moment, le voici, Vladimir Sémenovitch. Vous voyez un homme comme moi, par exemple, qui a servi vingt ans, recevant d’abord deux, puis trois cents roubles de paye… Eh bien, comment le gouvernement ne récompenserait-il pas ses années de service en lui donnant un morceau de pain pour ses vieux jours ?

— C’est indiscutable, reprit le capitaine en second ; aussi ne vous pressez pas de juger, servez un peu, et vous verrez… »

Volodia, tout honteux de l’observation qu’il avait lancée sans réfléchir, murmura quelques mots et écouta en silence comment Dédenko s’y prit pour défendre la thèse contraire ; la dispute fut interrompue par l’entrée du brosseur du colonel, annonçant que le dîner était prêt.

« Vous devriez bien dire à Apollon Serguéitch de nous donner du vin aujourd’hui, dit le capitaine Tchernovitzky en se boutonnant ; au diable son avarice ! il sera tué et personne n’en aura.

— Dites-le-lui vous-même.

— Oh non ! vous êtes mon ancien, la hiérarchie avant tout ! »


XIX


Une table couverte d’une nappe maculée était dressée au milieu de la chambre dans laquelle Volodia avait été reçu la veille au soir par le colonel ; ce dernier lui tendit