Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trouverez le deuxième bataillon de M…, qui travaille là-bas ; dites-lui de cesser ses travaux, de se retirer sans bruit, et d’aller rejoindre son régiment dans la réserve, au bas de la montagne. Vous me comprenez ? Conduisez-le vous-même jusqu’au régiment.

— J’y vais », répondit Praskoukine, qui s’éloigna au pas de course.

La canonnade s’affaiblissait.


IX


« Êtes-vous le second bataillon du régiment de M… ? demanda Praskoukine à un soldat qui portait des sacs remplis de terre.

— Oui.

— Où est le commandant ? »

Mikhaïlof, supposant qu’on demandait le capitaine de compagnie, sortit de son trou, porta la main à sa casquette et s’approcha de Praskoukine, qu’il prenait pour un chef.

« Le général vous ordonne…, vous devez… vous retirer immédiatement… et surtout sans bruit… en arrière, c’est-à-dire vers la réserve », lui dit Praskoukine, en regardant à la dérobée dans la direction des feux de l’ennemi.

Ayant reconnu son camarade et s’étant bien rendu compte de la manœuvre, Mikhaïlof abaissa la main, transmit l’ordre aux soldats ; ils saisirent leurs fusils, enfilèrent leurs capotes et se mirent en marche.

Celui qui ne l’a pas éprouvé ne saurait apprécier l’Intensité de la jouissance que ressent un homme en s’éloignant, après trois heures de bombardement, d’un endroit aussi dangereux que les logements. Pendant ces trois heures, Mikhaïlof, qui, non sans raison, pensait à sa mort comme à une chose inévitable, avait eu le temps de s’habituer à l’idée qu’il serait immanquablement tué et qu’il