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frappant du pied avec colère, et elle avança vers Olénine avec un geste menaçant.

Il y avait tant de colère, de mépris, d’horreur, dans l’expression de son visage, qu’Olénine comprit qu’il n’avait plus rien à espérer.

Il ne répondit rien et s’enfuit hors de la cabane.


XLII


Rentré chez lui, il resta une couple d’heures immobile sur son lit, puis il alla chez le chef de la compagnie et demanda à se rendre à l’état-major. Il ne prit congé de personne et chargea Vania de régler ses comptes avec l’hôte. Il partait pour la forteresse où se trouvait son régiment. Dadia Jérochka seul vint le reconduire.

Ils prirent plusieurs verres de vin ensemble. Une troïka de poste se tenait devant la porte, comme au moment du départ de Moscou ; mais Olénine n’analysait plus ses sentiments comme alors ; il ne rêvait plus une nouvelle existence : il aimait Marianna plus que jamais, et savait qu’elle ne partagerait jamais son amour.

« Adieu, père ! lui disait Jérochka. Quand tu feras une campagne, sois plus sage que moi ; écoute les conseils d’un vieillard : quand tu seras en face des fusils ennemis, ne reste pas dans les rangs ! Dès que vous êtes intimidés, vous autres, vous vous serrez les uns contre les autres ; c’est là qu’est le danger : on tire toujours dans le tas. Quant à moi, je m’isolais constamment, c’est pourquoi je n’ai jamais été blessé.

— Et la balle que tu as dans le dos ? observa Vania, qui rangeait la chambre.

— Oh ! ce n’est qu’une polissonnerie des Cosaques, répondit Jérochka.

— Comment ! des Cosaques ? demanda Olénine.