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« Va-t’en, dit Marianna à voix basse… C’est Loukachka qui est venu demander mon père, dit-elle à la vieille.

— Dis-lui d’entrer.

— Il est déjà parti, il est très pressé. »

Lucas s’enfuyait, en effet, à pas précipités ; il repassa sous les fenêtres et courut chez Jamka.

Olénine seul l’avait vu.

Lucas prit plusieurs verres de vin en compagnie de Nazarka, puis tous deux quittèrent la stanitsa. La nuit était tiède, calme et sereine. Ils chevauchaient en silence, on n’entendait que le pas des chevaux. Lucas se mit à chanter la chanson du Cosaque Mingal, mais il s’interrompit au premier couplet et dit à Nazarka :

« Elle ne m’a pas laissé entrer.

— Oh ! s’écria Nazarka, j’en étais sûr ! Jamka m’a dit que le porte-enseigne allait souvent chez eux, et que Jerochka se vantait d’avoir arrangé l’affaire avec Marianka pour une carabine.

— Il ment, fils du diable ! dit Lucas avec colère. Cette fille en est incapable. Je casserai les côtes à ce vieux démon ! »

Et il entonna sa chanson favorite.


XXVIII


Les fiançailles eurent lieu. Lucas était arrivé à la stanitsa, mais n’alla pas chez Olénine ; celui-ci refusa l’invitation du khorounji d’assister à la cérémonie. Il était triste comme il ne l’avait pas été depuis qu’il habitait la stanitsa. Le soir il vit passer Lucas, en habit de gala, avec sa mère ; ils se rendaient chez le khorounji. La froideur que Lucas lui témoignait tourmentait Olénine ; il s’enferma dans sa chambre et s’occupa de son journal.

« J’ai beaucoup réfléchi et beaucoup changé ces der-