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coup à droite, un coup à gauche et un coup sur la tête. L’espion tombe ! Je saisis mon porte-manteau et ma bourse, je saute par la fenêtre et je m’en vais à Ems.

« Là, je fis la connaissance du général Sazine. Il se prit d’affection pour moi, me procura un passeport et m’emmena en Russie pour faire l’éducation de ses enfants. À sa mort, votre maman me prit. Elle me dit : Karl Ivanovitch, je vous confie mes enfants, aimez-les et je ne vous abandonnerai jamais ; j’assurerai le repos de votre vieillesse. — Elle n’y est plus, et tout est oublié. Après vingt ans de services, il faut qu’avec mes cheveux blancs j’aille mendier dans la rue un morceau de pain dur… Dieu voit tout et sait tout : que sa sainte volonté soit faite en toutes choses ; seulement, je suis fâché pour vous, enfants ! »

En achevant ces mots, Karl Ivanovitch me prit par la main, m’attira à lui et me baisa au front.


XXXI

J’AI UN 1


À l’expiration de notre année de deuil, grand’mère commença à se remettre un peu de son chagrin et à recevoir de temps à autre, surtout des enfants, nos camarades et les amies de ma sœur.

Le jour de la fête de Lioubotchka, le 13 décembre, la princesse Kornakof et ses filles, Mme Valakhine et Sonia, Iline Grapp et les deux plus jeunes Ivine arrivèrent dès avant le dîner.

D’en haut, nous entendions les voix, les rires et les allées et venues, mais nous ne pouvions pas aller rejoindre la société avant la fin des classes du matin. Le tableau accroché dans la classe portait : Lundi, de 2 à 3, maître d’histoire et de géographie. Avant d’être libres, il nous fallait