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CHAPITRE XXVI


L’insuccès de la démarche de Nekhludov auprès du directeur de la prison n’avait pas calmé la fièvre d’activité qu’il ressentait ce jour-là. Au lieu de remonter dans sa chambre, comme il en avait eu d’abord l’intention, il résolut de retourner au palais du gouverneur, afin de demander, dans les bureaux, si l’on n’avait pas encore reçu avis de la grâce de la Maslova. Il fit la route à pied, trop heureux d’avoir trouvé un nouveau prétexte pour se distraire de la pensée qui le tourmentait ; et quand il apprit, dans les bureaux, qu’aucun avis n’était encore venu, il fut trop heureux de pouvoir passer plus d’une heure à écrire des lettres. Il écrivit à Sélénine, à sa tante, à son avocat, leur disant son inquiétude d’un retard qui n’avait, cependant, rien que de naturel.

Les lettres finies, il regarda sa montre et fut ravi de découvrir qu’il avait à peine le temps de refaire sa toilette, s’il ne voulait pas arriver en retard chez le gouverneur.

Mais voici que de nouveau, dans la rue, l’importune pensée prit possession de lui. Comment Katucha accueillerait-elle sa commutation de peine ? Où se fixerait-elle ? Que ferait Simonson ? Et que pensait-elle de lui, quels sentiments éprouvait-elle pour lui ?

Nekhludov se rappela le changement qui s’était produit en elle. Il se rappela ses visites à la prison, le sourire qu’elle lui avait adressé par la fenêtre grillée du wagon, en partant avec le convoi.