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CHAPITRE XXV


Bien que le gouverneur lui eut formellement interdit l’entrée de la prison, Nekhludov savait par expérience que ce qu’on ne pouvait pas obtenir des autorités supérieures s’obtenait, au contraire, sans trop de peine, des autorités inférieures. Aussi espérait-il que le directeur de la prison l’autoriserait à pénétrer auprès de la Maslova, pour lui annoncer l’acceptation de son recours en grâce. Et il espérait pouvoir, en même temps, s’informer de la santé de Kriltzov et lui faire part, ainsi qu’à Marie Pavlovna, du résultat de son entretien avec le gouverneur.

Le directeur de la prison était un homme grand et trapu, de figure imposante, avec de longues moustaches et un collier de barbe. Il fit à Nekhludov un accueil sévère, et lui déclara tout de suite que l’accès de personnes étrangères auprès des détenus n’était possible qu’avec l’autorisation du gouverneur. Et comme Nekhludov lui disait que, même dans les grandes villes, sur le parcours du convoi, on l’avait laissé entrer chez les prisonniers, le directeur répondit d’un ton sec :

— Cela est fort possible, mais moi, je ne puis pas vous laisser entrer !

Et son ton signifiait, aussi clairement que possible :

— Vous autres, messieurs de la capitale, vous vous figurez que vous allez nous étonner et nous embarrasser ; mais point ! et nous, en Sibérie, nous vous ferons voir que nous connaissons assez la règle pour vous en remontrer au besoin !