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lui affluait au visage et que son cœur battait à se rompre. La lettre portait la signature de Sélénine, l’ancien ami de Nekhludov, maintenant procureur au Sénat ; et à la lettre était joint un papier officiel. C’était la réponse au recours en grâce de la Maslova.

Quelle était cette réponse ? Un refus ? Nekhludov brûlait de le savoir, et cependant il n’osait se décider à lire la lettre qui allait le lui apprendre. Enfin il trouva la force de déchiffrer les quelques lignes que lui écrivait Sélénine ; et il poussa un soupir de soulagement. La grâce de la Maslova était accordée !

« Cher ami, — écrivait Sélénine, — notre dernier entretien m’a laissé une impression profonde. Tu avais raison, au sujet de la Maslova. J’ai étudié son affaire de près, et je me suis aperçu que sa condamnation résultait d’une erreur évidente. Impossible, malheureusement, de songer à faire casser l’arrêt : de sorte que je me suis adressé à la commission des grâces, j’ai appris avec joie que la requête de ta protégée s’y trouvait déjà. Et j’ai pu, Dieu merci, obtenir satisfaction. Je t’envoie ci-jointe la copie du décret ; je te l’envoie à l’adresse que vient de me donner la comtesse Catherine Ivanovna. Quant au décret lui-même, il a été envoyé à la Maslova dans la ville où a été prononcé le jugement ; mais j’imagine qu’on l’aura fait suivre, et qu’il ne tardera pas à être remis à ta protégée. Je m’empresse, en tout cas, de t’annoncer cette bonne nouvelle, et je te serre la main affectueusement. — Ton Sélénine. »

Le décret dont Sélénine envoyait à Nekhludov la copie était rédigé ainsi :

« Chancellerie de Sa Grandeur Impériale. Bureau des grâces. Sur l’ordre de Sa Grandeur Impériale, la nommée Catherine Maslov est informée que Sa Grandeur Impériale, ayant pris connaissance de sa requête, a daigné changer la condamnation à quatre ans de travaux forcés, encourue par elle, en celle de quatre ans de déportation dans un gouvernement quelconque des frontières de la Sibérie. »

Heureuse, bienheureuse nouvelle ! Elle réalisait tout ce