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CHAPITRE XXIV


Ayant pris congé du gouverneur, Nekhludov se rendit à la poste. Il se sentait plus en veine d’activité qu’il ne s’était senti depuis bien longtemps.

Le bureau de poste occupait une grande salle voûtée, humide et sombre. Derrière des grillages, une dizaine d’employés étaient assis, la plupart bavardant entre eux, tandis que, dans l’espace réservé au public, une foule impatiente se pressait et se bousculait. Près de la porte, un vieil employé passait tout son temps à frapper d’un timbre d’innombrables enveloppes, qu’un de ses collègues lui tendait au fur et à mesure.

Nekhludov n’eut pas à attendre longtemps. Dans ce bureau comme presque partout, sa tenue de barine lui valut un tour de faveur, et un des employés qui bavardaient lui fit aussitôt signe qu’il pouvait s’approcher. Nekhludov donna sa carte ; l’employé, respectueusement, lui remit le volumineux courrier qui se trouvait, pour lui, à la poste restante.

Dans ce courrier étaient plusieurs lettres chargées, et d’autres lettres, et quelques livres, brochures, et journaux. Pour jeter au moins un premier coup d’œil sur tout cela, Nekhludov s’assit sur un banc de bois, à côté d’un soldat qui restait là à attendre, un registre en main. Parmi les enveloppes des lettres, une d’elles surtout l’intrigua, une grande enveloppe avec un cachet rouge des plus imposants. Il ouvrit l’enveloppe, regarda la signature de la lettre ; et aussitôt il sentit que le sang